Les salons littéraires
"Pour parler de salon littéraire, Henriot se place du point de vue mondain: La IIIème République s'honora, comme l'Ancien Régime, en conservant cette tradition de la causerie élégante et mondaine. Mme Ackermann, Mme de Caillavet, Mme Adam ont vu se succéder chez elles tout ce qui compta, au cours de ces derniers quarante ans, le meilleur des lettres, de la politique, des arts." (Emile Henriot Numéro des Annales de Noël 1913- cité par A. Martin-Fugier)
"Quel avantage peuvent trouver les gens du monde à fréquenter des écrivains et des salons réputés intellectuels?" Ils s'y ennuyaient moins!
"A l'inverse, quel compte peut trouver un écrivain à fréquenter le monde? [...] Le monde peut rendre de réels services à un homme de lettres: le mettre en relation avec d'autres écrivains, des journalistes, des éditeurs qui lui permettront de publier et de gagner de l'argent, et aussi le faire avancer dans sa carrière, en le poussant à la députation, et, la plupart du temps, à l'Académie.[...]
Un salon pouvait être un espace productif pour l'esprit: échange d'idées, ouverture, communication. Cela tenait évidemment à la qualité des interlocuteurs, de la maîtresse de maison en particulier.[...] Jacques-Emile Blanche écrit à Gide le 10 décembre 1903: Mon grand centre actuel, c'est la maison de l'incomparable petite fée qu'est Mme de Noailles et celle de sa délicieuse soeur Mme de Chinay." (A. Martin-Fugier)
"Un salon se renouvelait autour d'un écrivain vedette: la maîtresse de maison lui présentait les nouveaux venus qui cherchaient à le rencontrer ou accueillait ceux que le maître amenait avec lui." (A. Martin-Fugier)
Les artistes pouvaient y trouver un public et des mécènes. Telle fut la princesse de Polignac.
Winnaretta Singer était la fille d'Isaac Singer, le fabricant de machines à coudre, et d'une Française. A la mort de Mr Singer, en 1875, sa veuve revint en France et ouvrit un salon où elle recevait les grands musiciens de son temps. En épousant le prince de Polignac, en 1893, sa fille renforçait le prestige de son salon artistique. "Les Polignac furent des mécènes dans tous les domaines de l'art: ils pensionnaient Verlaine malade, soutenaient les peintres impressionnistes [...] et subventionnaient surtout des compositeurs" (Fauré, Ravel, Satie, Poulenc, Stravinski, Manuel de Falla, mais aussi Isadora Duncan, Diaghilev).
Dans son salon on rencontrait Anna de Noailles, Cocteau et en 1925 Colette.
Le salon de Victor Hugo
A la mort de Mme Hugo, en 1868, "Juliette Drouet est devenue la compagne officielle de Victor Hugo, mais ils n'habiteront sous le même toit qu'en 1873.[...] Le salon de Victor Hugo et de Juliette Drouet était un centre très vivant de sociabilité." De 1874 à 1878, ce fut une époque heureuse.
"Charles Monselet, qui assurait alors la critique dramatique à "l'Evènement" se souvient: La politique n'y était encore représentée que dans des proportions raisonnables. C'était le temps de Louis Leroy et de Banville, pleins de verve tous les deux; de Renan, dont le fond joyeux commençait à se manifester; de Flaubert qui n'engendrait pas la mélancolie, de bien d'autres encore qui faisaient de la table des jeudis une table unique [...]. Et les réceptions qui suivaient! Comme elles étaient amusantes! Les poètes s'y amenaient par bandes." (Charles Monselet Mes souvenirs littéraires - cité par A. Martin-Fugier)
Dans le salon de Victor Hugo il y avait des hommes de lettres (Leconte de Lisle, Goncourt, Mallarmé, François Coppée, Catulle Mendès...), des peintres, des sculpteurs, des artistes, des politiques, des diplomates.
Anatole France
Il est né en 1844 à Paris. Son père était libraire. Il fréquenta le milieu des poètes parnassiens avec Verlaine. En 1873 il publia un recueil de vers et en 1875 il fut chargé avec Théodore de Banville et François Coppée de sélectionner les poèmes devant constituer le 3ème recueil du "Parnasse contemporain". En 1876, il obtint un poste à la bibliothèque du Sénat.
Tandis qu'il essayait de se lancer, " il fréquentait les salons de Leconte de Lisle, de Catulle Mendès, de Mallarmé. Puis, à mesure qu'il acquérait quelque notoriété, d'autres portes s'ouvraient devant lui."
En 1879 il publia "Jacoste ou le chat maigre". Il recontra Juliette Adam qui publia "Le crime de Sylvestre Bonnard, membre de l'Institut" dans les numéros de décembre 1880 et janvier 1881 de "La Nouvelle Revue".
"C'est surtout après la publication du Crime de Sylvestre Bonnard, membre de l'Institut, en 1881, qu'Anatole France est invité dans le monde. Et d'abord chez Lydie Aubernon." (A.Martin-Fugier)
Le salon de Mme Aubernon était célèbre et réputé, en particulier, pour ses brillantes représentations théâtrales.
Mme de Caillavet était reçue depuis 1876 chez Mme Aubernon où elle rencontra Anatole France.
En 1878, elle ouvrit son propre salon. Les deux dames, devenues ouvertement rivales, se fâchèrent en 1888. (Classique!!!) Parmi les fidèles à Mme de Caillavet il y avait Alexandre Dumas fils, Leconte de Lisle, Hérédia, Renan. Connue pour être "autoritaire,possessive et jalouse", elle eut une relation intime avec A. France de 1887 à sa mort en 1910.
"En 1904, les femmes écrivains avaient pris une telle importance que Mme de Broutelles, la directrice du magazine féminin "Vie heureuse", décida qu'il était temps de créer une Académie féminine semblable à l'Académie Goncourt. Cette intitution serait chargée d'attribuer le prix Femina, d'un montant annuel de cinq mille francs que verseraient les éditions Hachette. Ainsi naquit l'Académie des Dames, présidée par Anna de Noailles, qui regroupait une vingtaine de membres." (Judith Gautier, fille de Théophile Gautier, Rachilde, la duchesse de Rohan, Mme Alphonse Daudet, Juliette Adam, Mme Edmond Rostand- Rosemonde Gérard, Lucie Delarue-Mardrus, Jane Catulle-Mendès etc.) (A.Martin-Fugier)