En 1547, Joachim Du Bellay (1522-1560) rejoint Ronsard et Baïf au collège de Coqueret à Paris où le principal Jean Dorat faisait connaître la langue et la littérature grecques à de nombreux auditeurs. Avec ses amis il admire les poètes grecs, latins et italiens et veut donner à la France le prestige de l'Italie. En 1549 paraît le manifeste "Deffence et illustration de la langue françoise" signé I.D.B.A. (Joachim Du Bellay Angevin).
En 1553, il part à Rome accompagnant le cousin de son père, le cardinal Jean Du Bellay, ancien ambassadeur de François Ier. Le cardinal est envoyé par le roi Henri II auprès du pape afin d'obtenir son appui dans la guerre contre Charles Quint.
Joachim Du Bellay met beaucoup d'espoirs dans ce voyage auprès de ce cousin illustre et puissant protecteur: il souhaite devenir diplomate - il a fait des études de droit à la faculté de Poitiers- et il se rejouit de voir la Ville Eternelle, berceau des écrivains qu'il admire tant et où il pense parachever son éducation.
Mais la déception sera grande. Ses devoirs de secrétaire du cardinal et d'intendant occupent tout son temps, le privant à la fois de la vie mondaine et de loisirs studieux. Le pape Jules III meurt en 1555. Le cardinal doit lutter contre ses adversaires à la cour d'Henri II et contre ses adversaires romains qui tentent de ruiner son influence auprès du nouveau pape Paul IV. Il tombe en demi-disgrâce et Joachim Du Bellay en a subi les conséquences. De 1553 à 1557, Du Bellay a vécu à Rome la défaite de son cousin et la ruine de ses propres ambitions. Cependant il a été bien accueilli par une société de lettrés qui l'encourage à écrire en latin. Il commence son oeuvre "Les Regrets" qui sera publiée en 1558 à Paris: il dit sa nostalgie du pays natal, sa mélancolie du temps qui passe, son désenchantement devant la médiocrité de la société romaine.
Heureux, qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy la qui conquit la Toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son aage!
Quand revoiray-je, helas, de mon petit village
Fumer la cheminée: et en quelle saison
Revoiray-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup d'avantage?
Plus me plaist le sejour qu'ont basty mes ayeux.
Que des palais Romains le front audacieux:
Plus que le marbre dur me plaist l'ardoise fine,
Plus mon Loyre gaulois, que le Tybre latin,
Plus mon petit Lyré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine. (XXXI)
Je me feray sçavant en la philosophie,
En la mathematique, et medecine aussi:
Je me feray legiste, et d'un plus hault souci
Apprendray les secrets de la theologie:
Du lut, et du pinceau j'esbateray ma vie,
De l'escrime et du bal. Je discourois ainsi,
Et me vantois en moy d'apprendre tout cecy,
Quand je changeay la France au sejour d'Italie.
O beaux discours humains! je suis venu si loing,
Pour m'enrichir d'ennuy, de vieillesse, et de soing,
Et perdre en voyageant le meilleur de mon aage.
Ainsi le marinier souvent pour tout tresor
Rapporte des harengs en lieu de lingots d'or,
Ayant fait, comme moy, un malheureux voyage. (XXXII)
Si je monte au Palais, je n'y trouve qu'orgueil,
Que vice déguisé, qu'une cerimonie,
Qu'un bruit de tabourins, qu'une estrange harmonie,
Et de rouges habits en superbe appareil.
Si je descens en banque, un amas et recueil
De nouvelles je treuve, une usure infinie,
De riches Florentins une troppe banie,
Et de pauvres Sienois un lamentable dueil:
Si je vais plus avant, quelque part ou j'arrive,
Je treuve de Venus la grand' bande lascive
Dressant de tous costez mil appas amoureux:
Si je passe plus oultre, et de la Rome neufve
Entre en la vieille Rome, adonques je ne treuve
Que de vieux monuments un grand monceau pierreux. (LXXX)
bonjour,
Pour moi (gaga de chats), Du Bellay est surtout le premier à mentionner l'existence des chats chartreux en France :-):
"Vers français sur la mort d'un petit chat" (1558)
"Doncques Belaud, premièrement
Ne fut pas gris entièrement
Ni tel qu'en France on les voit naître
Mais tel qu'à Rome on les voit être.
Couvert d'un poil argentin,
Ras et poli comme le satin,
Au demeurant tu ne vis oncques
Chat plus adroit, ni mieux appris
A combattre rats et souris.
Belaud savait mille manières
De les surprendre en leur tanière."
Rédigé par : Céline | 19 juillet 2006 à 10:14
Merci pour ce poème. C'est formidable de constater que 450 ans plus tard, nous pouvons trouver chez Du Bellay et Ronsard des émotions qui rejoignent les nôtres.
Rédigé par : paule | 19 juillet 2006 à 11:31