" La Danseuse" Mori Ôgai (tr. J.J Tschudin)
Un brillant et discipliné étudiant japonais, envoyé en Allemagne dans les années 1880, se pose des questions sur son libre-arbitre. "Au fond de mon coeur, je sentis que ma mère s'était employée à me transformer en encyclopédie vivante alors que de son côté, mon chef avait visé à faire de moi une incarnation de la loi. A la rigueur, je pourrais accepter d'être une encyclopédie, mais il me serait insupportable de représenter la loi incarnée."
Peu à peu il abandonne ses cours de droit et préfère l'histoire et la littérature. Ce qui provoque la colère de son responsable. De plus, son attitude peu sociable déplait à ses compatriotes. "Mon coeur était pareil à cet arbre à soie dont les feuilles se rétractent et fuient le contact dès qu'on les touche."
C'est dans cet état d'esprit et cet isolement qu'il rencontre une jeune Allemande pleurant dans la rue. Il la raccompagne chez elle. C'est le début d'une histoire d'amour. Sommé de rentrer au Japon, il refuse et perd sa bourse. Il s'installe dans l'appartement de la jeune femme et de sa mère et fait des traductions pour vivre. Et pourtant il rentrera au pays abandonnant la jeune femme enceinte.
Post-face de J.J Tschudin
Mori Ôgai arrive à Berlin en 1884. Il y passe quelques jours, puis est envoyé à Leipzig. Il étudie à l'université et assiste aux manoeuvres de l'armée de Saxe. En 1885, il s'installe à Dresde où il travaille avec le général qui commande le corps médical de la région. Il est alors capitaine. Il participe à la vie mondaine à la cour de Saxe et dans les hautes sphères de l'armée. En 1886, il part à Munich pour étudier sous la direction de Max von Pettenkofer, le pionner de l'hygiène expérimentale. Il y découvre le milieu des intellectuels et artistes japonais installés en ville. Il part à Berlin mais son supérieur hiérarchique l'utilise comme interprète et il a peu de temps à lui. Il quitte Berlin le 3 juillet 1888, voyage en France et en Angleterre et rejoint le Japon en septembre.
En 1889, il crée une revue où il publie des traductions et trois nouvelles, dont la plus célèbre, "La Danseuse" en 1890. Mori Ôgai ne publie plus rien jusqu'en 1909.
Les années 1909-1915 constituent une deuxième phase dans son oeuvre: "Vita sexualis", "Le jeune homme", " L'oie sauvage". [Mori Ôgai (1) et (2)]. La troisième phase est un retour vers le passé avec des oeuvres comme "L'intendant Sanshô".
Dans le roman "La Danseuse" tout est décrit selon le point de vue du narrateur. Les contemporains de Ôgai y ont donc vu une confession personnelle. Mais on ne sait peu de choses sur sa vie privée lors de son séjour en Allemagne. Son "Journal allemand", réécrit en 1899 en japonais moderne, et publié 15 ans après sa mort, a du être censuré par Ôgai lui-même.
Certains traits de caractère et certains évènements sont autobiographiques, mais J.J Tschudin souligne les différences. Mori Ôgai n'a jamais été ce pauvre étudiant vivant dans une mansarde avec son aimée.
Les récits romantiques où le héros sauve une jeune fille victime de la misère, où ils vivent heureux malgré la pauvreté, et où tout finit mal sont nombreux. Cette fois le héros est japonais et la pauvre jeune fille - "une frêle Chrysanthème berlinoise" - devient folle de désespoir lorsqu'il repart, à contrecoeur, obéissant à son devoir.
D'autres, admettant la fiction, y ont vu une allégorie de la lutte des jeunes intellectuels et artistes entre le besion moderne de liberté et le poids des traditions. Et leur résignation à la fin du roman.
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