"Contes de Yamato" traduction R.Sieffert
(voir note précédente)
A l'époque Heian, "l'entourage du souverain, la Cour, le Palais, encore très ouverts aux VIIIè et IXème siècles, seront [...] d'un accès de plus en plus restreint [les descendants des empereurs et les cadets du clan Fujiwara devenant si nombreux qu'ils évincent les membres des autres familles], cependant que les personnages de moindre parage, y compris les cadets des Fujiwara et ceux de la famille impériale (à qui sont attribués souvent les patronymes de Taïra ou de Minamoto), seront réduits à se livrer aux plus basses intrigues pour obtenir pour eux-mêmes le cinquième rang qui comporte les "entrées au haut du Palais" tant convoitées, et pour leurs filles une place de "nyôbô", de dame d'honneur, auprès de quelque princesse ou haute dame Fujiwara, qui leur permette de servir les intérêts de leur parentèle.
[Ils] finissent donc par former un milieu extrêmement fermé. [...] On peut imaginer ce qu'une pareille société peut sécréter d'intrigues de sérail, de coup-bas longuement médités, de vengeances subtiles savamment calculées, et qui, pour n'être pas sanglantes, n'en sont pas moins cruelles. [...]"R. Sieffert dans son introduction.
Les courtisans d'aujourd'hui sont-ils si différents si l'on en juge par les évènements récents?
" [...] Dame Murasaki, dont le "Journal" montre qu'elle n'avait pas les yeux dans sa poche, n'avait qu'à puiser dans ce qu'elle voyait et entendait dans l'entourage de l'impératrice, pour nourrir les épisodes de son grand ouvrage. Les auteurs, ou compilateurs des "récits poétiques", quelques décennies plus tôt, n'avaient pas procédé autrement. La seule différence est qu'ils nous livrent les "ragots du village" à l'état brut; souvent même ils précisent les noms des héros, ou des victimes, d'aventures infimes, avec, comme il se doit, une prédilection marquée pour les affaires sentimentales [...] R.Sieffert dans son introduction
Extrait:
"Le Gouverneur Surnuméraire d'Echizen Kanemori, qui fréquentait une femme que l'on nommait dame Hyôé, après un longue absence, derechef vint la voir. Lors il composa ceci:
La nuit tombée
je ne voyais plus la route
mais il a suffi
car il savait le chemin
qu'à mon cheval m'en remisse
Et la femme, en retour:
Ainsi vous vous êtes
à votre cheval remis
quand naïvement
j'avais pu croire que c'était
votre coeur qui vous guidait"
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"Le Dit de Heichû" traduction R.Sieffert
La légende transmise par le "Dit du Gengi" et les "Contes de Yamato" a fait de Heichû un libertin qui se ridiculise auprès des femmes. De lui, ne restait que quelques poèmes. Descendant d'empereur, il eut somme toute une carrière modeste -qui est connue. Ses contemporains devaient plus l'admirer pour ses qualités de poète. Il est mort en 923.
En 1936 deux lettrés japonais ont découvert un manuscrit peut-être du petit-fils de Teika (voir la note précédente), "Heichû nikki", copie de l'original qui pourrait dater de 950.
"Ce fut une revélation. Le personnage d'Heichû sortait enfin de l'ombre, et en même temps les lettres japonaises retrouvaient un chef-d'oeuvre, formé d'une suite de petites nouvelles dont la succession constituait un véritable roman, où l'on voyait au fil des pages se préciser un caractère, se construire le portrait moral et psychologique d'un homme [...]. R.Sieffert dans son introduction
Extrait:
"Cet homme encore avait un endroit où il envoyait des lettres, histoire de se distraire. Une nuit d'été par une lune splendide, comme il annonçait sa venue, la femme lui fit tenir ce poème:
Quel est le séjour
que le coucou jamais encore
n'aura visité
je me défie car dit-on
innombrables sont ses nids
L'homme en retour:
Il se peut qu'il soit
des séjours où le coucou
longtemps aura chanté
mais comme je ne suis lui
que pourrais-je vous répondre
Il ne dit que cela, et renonça."
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"Ise monogatari" - "Contes d'Ise" traduction G.Renondeau
Ccomme les autres "monogatari", les "Contes d'Ise" sont un ensemble de poèmes -tanka de cinq vers- échanges amoureux entre un homme et les femmes qu'il veut séduire. A l'envoi du poème, la femme répond ou non.
Quelques lignes explicatives encadrent le ou les poèmes.
"Jadis un homme envoya ces vers à une femme cruelle
Sur le chemin que je ne peux suivre
En rêve je me hasarde
Sur ma manche
Serait-ce la rosée du ciel
Qui s'est déposée? "
-les pleurs qui mouillent la manche est une figure poétique souvent employée-
L'homme s'appelle Ariwara no Narihira (825-880), petit-fils d'empereur. Mr Renondeau, dans son introduction, nous dit qu'il avait "la réputation d'un homme élégant et raffiné et celle d'un poète de qualité."
Il est l'auteur de la plupart des poèmes. mais les "Contes d'Ise" n'ont pas été écrits par lui. Ils sont datés entre 905 et 951. L'original ayant disparu, seules des copies ont transmis le texte. La plus connue est celle de Teika (voir la note précédente).
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