"Le soleil se couche à Sao Paulo" Bernardo Carvalho
Le barman d'un petit restaurant de Sao Paulo demande à un client qui s'attarde: "Que faites-vous dans la vie? - Je suis écrivain".
Lorsqu'il était étudiant, il fréquentait assidûment ce restaurant avec ses amis et ils discutaient de leur avenir. Lui était sûr qu'il écrirait. Quelques années plus tard, il est chômeur et sa femme l'a abandonné. Mais en retournant dans cet établissement il s'accroche en quelque sorte à ses rêves.
La propriétaire, une vieille dame japonaise, lui propose d'écrire son histoire. Lui aussi est d'origine japonaise, mais il n'est jamais allé au Japon et il ne parle pas la langue. Il voudrait dire à Michiyo qu'il n'est pas non plus écrivain, qu'il y a un malentendu. Mais la vieille dame insiste, c'est à lui qu'elle veut raconter son histoire qui a commencé pendant la guerre.
Ce roman est semblable aux boîtes gigognes. Avec le narrateur nous les ouvrons les unes après les autres, sans bien comprendre, au début, ce qui se passe.
Car c'est aussi un roman de faux-semblants.
Certains morts ne sont pas morts, d'autres le sont sous une fausse identité, la vieille dame n'est pas non plus celle qu'elle prétend être.
Le narrateur veut savoir ce qui s'est passé, il ira jusqu'au Japon. Il y sera traité comme un étranger. L'humiliation des exilés, nulle part chez eux.
Il lui faudra atteindre la dernière boîte pour connaître la vérité.
"Ce que Michiyo m'a proposé fut un apprentissage et un défi. Elle a sûrement reconnu en moi l'insatisfaction qui l'avait fait courir elle aussi jusqu'au lieu où le soleil se couche quand il devrait se lever et se lève quand il devrait se coucher afin de révèler des temps sombres. Elle a voulu me prendre comme écrivain, ce que je ne suis pas. Et me faire écrire sur le front de bataille, "là où la civilisation rencontre la barbarie et laisse entrevoir ce qu'elle renferme en elle de barbarie", dans cette ville qui ne peut pas être ce qu'elle est, une histoire d'hommes et de femmes s'efforçant de se faire passer pour d'autres afin de remplir la promesse de ce qu'ils sont [...]. Une histoire de parias, comme moi et les miens, de gens qui ne peuvent appartenir au lieu où ils se trouvent, où qu'ils se trouvent et qui rêvent d'un autre lieu, qui ne peut exister qu'en imagination [...]"
Un roman passionnant.