"Pauline Viardot" Nicole Barry
Il y a quelques semaines, sur Arte, Cecilia Bartoli rendait hommage à la Malibran, par son répertoire et ses souvenirs dispersés entre Paris, Londres ou Naples.
Ce magnifique voyage musical m' a donné envie de relire l'ouvrage de Nicole Barry sur la soeur de Maria Malibran-Garcia, Pauline Viardot-Garcia.
Maria Garcia est la fille aînée de Manuel Garcia, célèbre ténor espagnol, venu confirmer sa gloire à Paris. Elle a treize ans de plus que Pauline née en 1821.
Garcia est un homme séduisant, chanteur, compositeur et professeur. Mais c'est un tyran qui brutalise son fils et sa fille aînée. La jeune Pauline, destinée au piano, est mieux traitée.
En 1825 il décide de partir en Amérique avec sa famille. Il a signé un contrat avec un théâtre de New York. A leur arrivée ils jouent le "Barbier de Séville", le fils Manuel est Figaro, Maria joue Rosine, Garcia est Almaviva et son épouse Berta. Pauline n'a que quatre ans, mais elle chante déjà et apprend le solfège. Elle veut être sur scène, son père lui crée un petit rôle qu'il ajoute au "Don Juan" de Mozart.
Maria, quant à elle, a un succès foudroyant. Elle nargue son père qui devient de plus en plus sombre. Pour lui échapper elle s'enfuit avec un banquier du nom de Malibran. Le 23 mars 1826 ils sont mariés.
Garcia a perdu sa diva. Le banquier promet de payer un dédit pour le dédommager. Ils le croient riche, il ne voulait que la dot! C'est Maria, de retour à Paris, qui paiera la dette. Le mariage est un échec.
Mais Maria est en train de devenir LA Malibran. Elle est belle, sa technique est éblouissante, elle émeut le public dans ses créations de Rossini. Son succès est immense. Son mariage annulé, elle épouse Charles de Bériot et aura deux enfants. Mais suite à une chute de cheval, elle décède à vingt huit ans.
Pauline Garcia, qui devait être concertiste, prend la relève. A quinze ans, elle a Liszt comme professeur, elle en est amoureuse. L'auteur nous dit qu'elle est aussi laide que sa soeur était belle. Mais toute sa vie elle sera aimée, son génie sublime sa laideur.
Elle va devenir une des plus grandes cantatrices de son temps. Acclamée à Londres, Berlin, Saint Petersbourg, elle aura du mal à s'imposer à Paris pour des raisons politiques. Son mari et elle sont républicains, et Pauline est une grande amie de George Sand qui la protège depuis ses débuts et la fait épouser Louis Viardot. Elle en fait son héroïne dans Consuelo.
Très cultivée, parlant plusieurs langues, elle s'intéresse aux chants populaires en particulier espagnols, c'est elle qui sauve "A la claire fontaine" de l'oubli.
En 1843 lors de sa première tournée à Saint Petersbourg, elle rencontre Tourgueniev. L'écrivain sera amoureux d'elle durant quarante ans, fera de nombreux séjours dans sa propriété et quittera définitivement la Russie pour finir ses jours à Bougival. Elle abandonne la scène dans les années 60, s'installe avec sa famille à Bade, où elle donne des concerts et des leçons. Elle devient vite la "reine" de la station, au grand dépit de Clara Schumann qui y demeure aussi, car Pauline est une très bonne pianiste. Tourgueniev les rejoint. La guerre de 70 mettra fin à ces beaux jours.
Après un court exil en Angleterre, ils rentrent à Paris où la république vient d'être proclamée. Pauline Viardot connait une seconde période de gloire, elle redonne des concerts et impose Massenet. Elle devient pour un temps professeur au Conservatoire. Tourgueniev achète une propriété à Bougival, la maison principale est occupée par la famille Viardot, un chalet nouvellement construit la demeure de l'écrivain. Il deviendra le musée Tourgueniev.
Pauline Viardot décède en 1910.
Maria Malibran et Pauline Viardot furent deux artistes exceptionnelles. La première est morte trop jeune. La seconde a traversé le XIX ème siècle en compagnie de Sand, Musset, Tourgueniev, Rossini, Gounod, Berlioz et autres grands. Mais Nicole Barry finit son livre par cette phrase: [à sa mort] "Sur l'une des plus grandes dames du XIX è siècle, vient de tomber la longue nuit de l'oubli."