"L'art du haïku" Vincent Brochard et Pascale Senk
Dans la préface Pascale Senk montre que cette forme de poésie a su traverser le temps et l'espace et rester vivante comme le prouvent les multiples sociétés pour la promotion du haïku à travers leurs cours ou leurs sites.
Vincent Brochard qui a assuré la traduction des haïku présentés dans leur ouvrage, trace leur histoire et leur philosophie.
Bashô (1644-1691) le maître, Issa (1793-1827) et Shiki (1867-1902) le rénovateur, ont marqué les trois étapes dans l'évolution de la poésie qui, au départ, sous le nom de haïkaÏ no renga désignait une chaîne de poèmes que déclamaient les invités lors d'une réunion poétique. Le hokku était le premier vers dit par le maître et ses amis et disciples continuaient le poème collectif. La coutume voulait que l'invité d'honneur compose ce premier vers et l'hôte lui répondait. C'était donc un vers de remerciement où discrètement le poète exprimait sa gratitude pour l'organisation de la réunion. Comme nous qui parlons du temps pour engager la conversation, le hokku devait comporter un mot de saison.
Le hokku, isolé, est devenu avec Shiki, le haïku.
(voir "Bashô" - le 27 novembre 2005)
"Un éclair!
au fond de la cuvette
sur le reste de pluie" Shiki
"Ancien temple
les poteries qu'on a jetées
parmi le persil" Buson
Le haïku a introduit la notion de wabi dans la poésie. A l'origine le wobi signifiait "pauvre, rudimentaire" et il devenait "sobriété, simplicité". La beauté venait des choses les plus usuelles.
Le haïku a introduit la notion de sabi qui était l'usure due au temps. Elle devenait patine, symbole du veillissement. La beauté venait de l'impermanence des choses, de leur imperfection même.
"Je me lave -
pour une puce en voyage
premier péché" Issa
La poésie n'était plus uniquement réservée aux aristocrates érudits, les classes moyennes parlaient de leur vie ordinaire avec une langue ordinaire. Et le sens de l'humour ne leur manquait pas.
"Tout haïku vibre encore du rire vivifiant de ses origines." dit V. Brochard
Les poètes savaient rire d'eux-mêmes! Et Issa était le maître!
"De temps à autre
les nuages accordent une pause
à ceux qui contemplent la lune" Bashô ("Haïku" de R. Munier)
Le haïkï puis le haïku, eux-mêmes codifiés, ont voulu se libérer des figures classiques de la poésie. Bashô, Issa et Shiki ont, chacun à son époque, bousculé les conventions.