"Regain" Jean Giono
J'ai découvert ce livre lorsque j'avais une dizaine d'années, et depuis je l'ai lu et relu. La dernière fois? Hier soir.
Oui c'est le monde paysan d'il y a un siècle, oui c'est le monde paysan DE Giono. La beauté des paysages, la dureté de la nature, le travail pénible des paysans mais leur attachement à leur terre. Vus à travers le prisme de l'écrivain. Mais son lyrisme me fait toujours réver.
Hier après midi j'ai suivi un documentaire de FR3 "Les vaches ne regardent plus passer les trains", pour la simple raison qu'elles n'ont plus droit à l'herbe des prés. Ce monde rural mutant ne fera réver ni demain ni dans cent ans. Il fait peur.
Il n'aura sans doute pas non plus son Giono. De quoi parlerait-il? De stalles, de recueil d'embryons, de quotas laitiers, de céréales modifiées génétiquement?
"Il est revenu le grand printemps.
Le sud s'est ouvert comme une bouche. ça a soufflé une longue haleine, humide et tiède, et les fleurs ont tressailli dans les graines, et la terre toute ronde s'est mise à mûrir comme un fruit.
L'escadre des nuages a largué les amarres. ça a fait un grand et long charroi de nues qui montaient vers le nord. ça a duré; à mesure, on sentait la terre qui se gonflait de toutes ces pluies et de la vie réveillée de l'herbe. Enfin, une belle fois, on a vu bouillonner le ciel libre sous la poupe du dernier nuage.
Il est resté pourtant une balayure de ciel et elle flotte, accrochée au clocher d'Aubignane comme un linge autour d'une pierre dans un ruisseau.
On est là; on n'ose pas encore commencer la peine de printemps, prendre la bèche ou le sac aux semences, commencer; on n'ose pas. Il peut pleuvoir encore, d'un moment à l'autre; on est directement sous le halètement du grand nuage, et le jeune jour blond est encore tout tremblant d'éclairs."
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