"Firmin autobiographie d'un grignoteur de livres" Sam Savage
Firmin veut écrire sa biographie. Il cherche la phrase d'introduction digne des grands écrivains qu'il vénère. Et il se souvient...
Sa mère avait trouvé refuge dans le sous-sol d'une vieille librairie, Firmin est donc né parmi les livres. Flo, qui visiblement aimait un peu trop l'alcool, n'était pas une mère attentive. Pour calmer sa faim Firmin s'était mis à grignoter le papier. Chétif, il recevait souvent des raclées de la part de ses frères et soeurs. Alors il s'isolait dans les rayons poussièreux. Peu à peu il s'était rendu compte que tous les livres n'avaient pas le même goût. Puis il s'était mis à les lire. Il regrette, avoue-t-il, d'avoir fait des trous n'importe comment, car, pour certains ouvrages, il lui a fallu attendre des années pour retrouver un exemplaire intact.
Il se souvient de sa première sortie en compagnie de sa mère et de sa soeur, dans le monde hostile de la rue, de la peur qui le tenaillait. "Ma formation intellectuelle ne faisait que commencer, mais j'avais déjà assez lu pour convoquer les mots "vaste canyon de solitude". Et ces mots me firent frissonner."
Mais il arrive sur Hanover Street, en face du Casino Theater. Et là il tombe en arrêt devant son affiche. "Avec le recul des ans, je sais désormais que cet instant où je détaillais bouche bée ces créatures quasi nues, ces anges, a marqué ce que les biographes aiment à appeler un tournant. Comme eux je dois dire que ce 26 novembre 1960, alors que je me tenais devant le Casino Theater, au coin d'une rue non loin de Scollay Square, mon destin a changé de cours. Mais bien sûr, je ne le savais pas encore. A ce moment là, je ne savais même pas que j'étais à Boston."
Voilà Firmin venait de rencontrer ses "Mignonnes". Sa préférée sera Ginger qu'il rencontrera à la fin de sa vie.
Firmin a beaucoup voyagé. Dans la librairie en premier où il s'était aménégé des postes d'observation. C'est ainsi qu'il fit la connaissance de Norman, le propriétaire des lieux. Chaque matin, il lisait "Le Globe" et humait le café de Norman au-dessus de lui. Il admirait tant Norman. Le soir il avait toute la librairie pour lui. Ou il partait au Rialto. Ah le Rialto! Refuge dans ce quartier désolé pour les mendiants et les solitaires. Firmin y devenait Fred...Et à minuit, les Mignonnes s'effeuillaient sur l'écran...Quelques Mignonnes et beaucoup de pop-corn...Firmin était heureux en ce temps là.
Il était aussi parti à Londres au temps de la peste avec Defoe. En Chine dans l'ermitage de Du Fu. Sur un steamer en Afrique. A Rome. A Paris...
Mais un jour Norman le découvrira, trahira sa confiance et Firmin perdra ses illusions...
Il faut dire que Norman avait des soucis. Scollay Square était un quartier insalubre que le maire avait décidé de raser. Un à un les magasins fermaient, les immeubles partaient en fumée. Et inexorablement les bulldozers s'approchaient de Pembroke Books.
Firmin, de plus en plus déprimé, décida de faire un tour au jardin public. Mal lui en prit. Sans le secours de Jerry, Firmin serait mort.
Firmin connaissait Jerry. C'était un écrivain style bohème qui venait parfois aider Norman à décharger sa camionnette. Qui circulait en vélo et le déposait contre la vitrine de la librairie, ce qui fâchait Norman. Firmin, qui se déclare plutôt bourgeois, n'avait que mépris pour le personnage. Mais Jerry lui avait sauvé la vie, il habitait au dernier étage de l'immeuble et lui offrait gîte et couvert. Jerry était pauvre mais il partageait ses repas, laissait Firmin lire ses livres, jouer du piano et l'emmenait avec lui à la sortie du métro où il essayait de vendre quelques romans. Hélas Jerry aura une attaque et Firmin sera à nouveau solitaire.
Il n'aura plus qu'à attendre la fin, de retour dans son nid où il était né...
Il faut dire que Firmin est un rat. Un rat cultivé, philosophe, sentimental, blessé, révolté par la bêtise de sa famille, désolé de ne pouvoir parler et communiquer ses pensées aux hommes.
Premier roman paru en 2006 de Sam Savage (né en 1941). "Superbe hommage aux valeurs de l'écrit et aux singularités de toutes espèces, l'aventure de Firmin est aussi un fabuleux trait d'union entre littérature, exclusion et résistance." écrit l'éditeur. Je suis d'accord.