"La porte" Sôseki Natsume (1867-1916)
Sôsuke n'ayant pas terminé ses études universitaires n'occupe qu'un modeste poste de fonctionnaire à Tokyo. Il partage une vie étriquée avec son épouse O-Yone. C'est un couple uni, mais peu curieux intellectuellement, ils ne lisent pas, sortent rarement et n'ont pas d'amis. Sôsuke est velléitaire. Résigné il accepte passivement cet état.
A la mort de son père, il a confié la succession à son oncle, pensant que celui-ci se chargerait de l'éducation de son jeune frère Koroku. Le décès brutal de l'oncle met en péril les études de Koroku. Sôsuke prend alors conscience qu'en négligeant ses affaires, il a perdu l'argent qu'il avait confié à son oncle et qu'il a koroku à sa charge. Sôsuke a eu une vie agréable lorsqu'il était étudiant. Son père était aisé et lui donnait l'argent nécessaire. Maintenant, il manque cruellement de moyens.
A la fin du roman, on s'aperçoit que Sôsuke et O-Yone partagent un lourd secret.
Sôsuke était ami avec Yasui, ils suivaient les mêmes études à kyoto. Lors d'une rentrée scolaire, alors qu'ils devaient se retrouver et passer quelques jours dans une station balnéaire, Yasui n'est pas venu, pas plus qu'il ne s'est présenté à l'université. Lorsque Sôsuke l'a retrouvé dans un nouveau logement, Yasui était accompagné d'une jeune fille qu'il a présenté à son ami comme étant sa soeur cadette. Sôsuke et O-Yone, puisqu'il s'agit d'elle, sont-ils tombés amoureux? Ont-ils fui ensemble? Etait-elle la soeur ou l'amie de Yasui? Sôseki ne le précise pas. Mais ils ont été mis au ban de la société et Sôsuke a été renvoyé de l'université. Yasui a, lui aussi, abandonné ses études et quitté le Japon. A-t-il été renvoyé à cause de leur attitude? Les deux époux se sentent coupables. On comprend mieux leur isolement et la raison de leur éloignement aussi bien vis à vis de la famille que de la société.
Sôsuke devient ami avec son propriétaire, homme jovial et sympathique, dont la maison est pleine d'enfants. Ils parlent de choses et d'autres -surtout le propriétaire! et Sôsuke écoute- un jour il est question d'un frère aventurier parti en Mongolie. Et justement il fait un séjour à Tokyo avec un compagnon nommé Yasui. Le propriétaire invite Sôsuke à dîner le sur-lendemain avec les deux voyageurs.
Pris de panique, Sôsuke, prétextant une fatigue soudaine, décide de partir dans un temple de Kamakura. Il espère y trouver une réponse religieuse à ses tourments. Mais ce que proposent les moines n 'est pas à la hauteur de ses espérances. Il doit méditer sur une phrase incompréhensible mais bientôt il a mal aux genoux et a la nuque raide. Il se dit qu'il pourrait tout aussi bien méditer couché et aussitôt s'endort! La "porte" lui restera fermée!
"Il était venu pour demander qu'on lui ouvrît une porte, mais le portier était resté de l'autre côté, et il avait eu beau frapper, ce portier n'avait jamais consenti à se donner la peine de seulement se montrer à lui.
"Il ne sert à rien de frapper, vous devez entrer tout seul."
Telle était la seule réponse qu'il avait entendue. Il avait réfléchi au moyen de faire jouer le verrou de cette porte et, dans sa tête, avait clairement élaboré dans ce but, un procédé et une méthode; mais quand il avait voulu les mettre à exécution, il n'avait absolument pas pu réussir à susciter en soi la vigueur nécessaire."
Il rentrera donc chez lui sans parler à son épouse de sa tentative monastique et sans oser affronter Yasui.
Ce roman est paru en feuilleton dans la revue "Asahi" de mars à juin 1910. Sôseki est hospitalisé eu juin puis en août. Encore très affaibli, il commence dès le mois d'octobre à noter ses impressions de malade, sa joie d'avoir survécu, de revoir sa famille et ses amis, ses lectures, ses pensées philosophiques. Ses notes où il mêle prose, haïku et poésie chinoise sont publiées "Choses dont je me souviens" début 1911 alors qu'il est encore à l'hôpital.
Sôseki Natsume a commencé sa carrière comme professeur, il est envoyé avec une bourse gouvernementale deux ans en Angleterre. De retour au Japon, il succède à Lafcadio Hearn comme lecteur de littérature anglaise à l'université de Tokyo. En 1905 il publie son premier roman "Je suis un chat". Ami de Shiki le grand poète de haîku, Sôseki sera connu pour ses romans et ses poèmes chinois.
Le volume 1 de la manga "Au temps de Botchan" parle de Sôseki. (Janvier 2007)