"Ecrire au Japon - Le roman japonais depuis les années 1980" OZAKI Mariko
La génération qui a connu la guerre et ses affreuses conséquences peu à peu s'éteint et logiquement une nouvelle génération d'écrivains apparaît, ayant d'autres préoccupations. Mariko Ozaki s'attarde sur les débuts de trois d'entre eux.
Le 16 septembre 1987, une revue littéraire décerne son prix "jeune talent" à une jeune fille de 23 ans Yoshimoto Mahoto pour son livre "Kitchen" (signé Yoshimoto Banana) qui sera un immense succès. En même temps est paru "La Ballade de l'impossible" du déjà célèbre Murakami Haruki, alors âgé de 38 ans. A la fin de l'année Ôe Kenzaburô (âgé de 52 ans) publie "Lettres aux années de nostalgie".Il a évoqué la scène suivante:
"[...] préoccupé par mon livre, à peine rentré à Tôkyô, je me suis immédiatement rendu dans une grande librairie et j'ai alors vu des piles d'un livre à la belle couverture rouge et verte, intitulé La Ballade de l'impossible, alors que mon livre se trouvait au fond de la librairie et semblait me regarder d'un air contrit.(Rires) J'ai gardé une impression particulièrement forte du changement d'époque que constitue ce roman.[...] Ma façon d'écrire, c'est-à-dire dans un style propre à la langue écrite, est devnue dès lors un style ancien et les deux écrivains que sont Murakami Haruki et Yoshimoto Banana ont commencé à créer une nouvelle écriture de l'oralité."
L'année précédente, Tawara Machi (24 ans) avait reçu le plus prestigieux prix dans le domaine de la poésie "tanka". En introduisant la vie quotidienne et le langage parlé dans cette forme la plus ancienne de la poésie japonaise (datant de l'époque Heian), elle avait créé l'évènement avec son livre "L'anniversaire de la salade" dans l'univers poétique!
Le troisième écrivain important de cette période est Murakami Ryû. Il a reçu en 1976 le célèbre prix Akutagawa pour son livre "Bleu presque transparent".
Mariko Ozaki écrit: "Certains reprochent à Murakami Ryû de toujours choisir des thèmes collant à la réalité sociale ou économique du Japon d'aujourd'hui. Pourtant, c'est justement cette rare puissance à décrire la société contemporaine que Suzumura Kazunari, critique littéraire spécialiste de littérature française, souligne:
Il nous montre combien, à tout instant, toute expression est imprégnée de l'air du temps et qu'il ne peut en être autrement. [...]Murakami donne une force particulière à ses textes par la précision de son vocabulaire, jusque dans le choix des noms propres par exemple. Car il sait sans aucun doute que, sans cela, la littérature ne ferait pas le poids face à l'image qui, en un instant, peut transmettre une masse d'informations. On a le sentiment que c'est ce que craint Murakami et contre quoi il sait parfaitement lutter.(Journal Yomiuri, 26 juin 1997)"
Le Japon a plusieurs particularités:
En général, les romans sont publiés dans des revues littéraires avant de passer à l'état de livres. Qu'en sera-t-il demain quand tout s'accélère?
Ces revues ont créé de nombreux prix, les lauréats sont souvent très jeunes et leur avenir d'écrivains n'est pas assuré.
La langue japonaise a plusieurs niveaux, écrit, parlé, expressions spécifiques aux femmes ou aux hommes. L'écriture est verticale, se lit de haut en bas et de droite à gauche. Elle possède plusieurs systèmes: hiragana, katakana, alphabet. L'utilisation des ordinateurs qui modifient ces spécificités va donner naissance à une nouvelle vague d'écrivains.
Les mangas, les "light novels" romans récréatifs illustrés, destinés aux adolescents, deviennent un courant de la littérature. Le critique Azuma Hiroki écrit en 2007: "[...]Dans la post-modernité, la littérature est enfermée dans une consommation individuelle, elle n'a pas de lien avec la sphère publique. C'est cette fracture justement qui, depuis les années 1970, rend possible le développement prospère de ce qu'on appelle la littérature de genre, ou le succès de Murakami Haruki, autrement dit, la consommation de récits ainsi que la généralisation de ce que j'appelle le réalisme des mangas et des dessins animés.[...](Recueil d'essais sur l'environnement littéraire)
Dans son ouvrage daté de 2007, Mariko Ozaki s'interroge sur le rôle et le devenir des auteurs japonais.
Merci de ce résumé, bien plus clair et intéressant que ce que j'ai pu lire ailleurs sur cet essai (comme ici : http://japon.aujourdhuilemonde.com/etude-sur-le-roman-japonais-depuis-les-annees-80 )
Rédigé par : galanga | 11 août 2012 à 22:34