"Histoire de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis" J. AD. AUBENAS (A. Allouard libraire) 1842
Mme de Sévigné avait toujours eu une bonne santé, mais les années passant apparurent quelques maux.
La médecine de son époque balbutiait encore. Le médecin anglais Harvey avait découvert la circulation sanguine, au grand dam de la Faculté de Paris, moquée par Molière dans "Le malade imaginaire" (le médecin Diafoirus). Elle ne lui faisait pas confiance mais, cependant, elle essayait avec enthousiasme les nouveaux remèdes. Quand elle était déçue, elle n'hésitait pas à écrire: "Les malades doivent se remettre en premier lieu, non de leur maladie, mais des remèdes qu'on leur a fait prendre." Elle faisait un usage immodéré d'Eau de la Reine de Hongrie (alcoolat de romarin). "Elle est divine, cette eau; je m'en enivre tous les jours; j'en ai dans ma poche; c'est une folie comme du tabac."
En janvier 1676, elle fut prise d'une crise de rhumatismes. Elle dut garder le lit. Charles la veillait et elle lui dictait les lettres que ses mains enflées ne lui permettaient plus d'écrire. "Que c'est chose plaisante de voir une femme avec un bon visage que l'on fait manger comme un enfant!" Ses médecins lui ordonnaient des remèdes des plus fantaisistes. Mais on lui parla de cure thermale. Le docteur de L'Orme, prêchant pour ses intérêts, lui conseilla d'aller prendre les eaux à Bourbon-l'Archambault, elle alla donc à Vichy.
Les eaux minérales étaient déjà connues des Romains. Mme de La Fayette y avait fait une cure auparavant. Elle arriva le 18 mai 1676.
"Ah! que les eaux sont mauvaises! écrit-elle. On va à six heures à la fontaine; tout le monde s'y trouve; on boit et on fait une fort vilaine mine, car imaginez-vous qu'elles sont bouillantes et d'un goût de salpêtre fort désagréable."
"Cependant Mme de Sévigné n'est pas au bout de ses peines. Elle doit également prendre le bain et la douche et celle-ci par avance, la terrifie. Enfin elle se décide. "C'est une bonne répétition du purgatoire, écrira-elle. On est toute nue dans un petit souterrain, où l'on trouve un tuyau de cette eau chaude, qu'une femme vous fait aller où vous voulez. Cet état où l'on conserve à peine une feuille de figuier pour tout habillement est une chose assez humiliante." ( article d' Edge Trémois "Les médecins chez Mme de Sévigné")
Son état s'améliora -sa fille la félicita de sa silhouette amincie- et elle y retourna l'année suivante.
Elle écrira en 1687: "Les eaux de Vichy sont gracieuses et ne pèsent point...Je les ai prises pour m'adoucir et me consoler."
En effet, l'année 1676 fut difficile. Mme de Grignan vint passer six mois à Paris. Mais elle tomba malade et sa mère, fort inquiète, perdit son sang froid.
"[...] Quand il est question de la vie, ah! ma très-chère! c'est une sorte de douleur dont je n'avois jamais senti la cruauté, et je vous avoue que j'y aurois succombé." (lettre du 11 juin 1677)
"Mr de Grignan coupa court à cet état pénible pour toutes les deux; il vint reprendre sa femme, promettant un prompt retour. Cette séparation brusque, cette absence précipitée, ce souci de la santé de sa fille, ont fait à Mme de Sévigné l'état le plus agité, le plus inquiet, le plus douloureux qu'elle eût éprouvé, et l'expression de ses transes rend ses lettres vraiment touchantes. Son coeur est exaspéré; elle en veut à tout, elle s'en prend aux pays que sa fille traverse [...] elle hait surtout cette chienne de Provence, dont l'air devait tuer sa fille, et qui eut, au contraire, l'impertinence de la guérir. [...] La tranquillité de corps et d'esprit achevèrent cette convalescence. "Je suis au repos, dit Mme de Grignan, quelques jours après à sa mère, point de devoirs, point de visites, et surtout point de mère qui m'aime." Quelque tendre que soit cette ironie, Mme de Sévigné entre en colère. "Quand on vient me dire présentement, s'écrie-t-elle: vous voyez comme elle se porte, et vous-même êtes au repos; vous voilà fort bien toutes les deux; oui fort bien! voilà un régime admirable; tellement que pour nous porter bien, il faut que nous soyons à deux cent mille lieues l'une de l'autre. Et l'on me dit cela d'un air tranquille! voilà justement ce qui m'échauffe le sang et me fait sauter aux nues. [...] " (lettre du 16 juin 1677)
Mme de Sévigné retourna vivre aux Rochers avec son oncle et son fils. Elle lisait toujours autant, mais des livres de morale, de philosophie et de religion. "Alors, en effet, la dévotion semble dominer dans son âme, mais sans nul mélange de bigoterie et de petit esprit. C'est un abandon de plus en plus entier à la Providence: sa devise est fiat volontas!"
Elle ne parla plus de sa santé pendant quelques années. Fin 1684, elle se déclarait en parfaite santé à sa fille, peut-être pour la rassurer. "S'imaginant que ses mains sont guéries, ce qui la dispense d'y penser, elle se sent dans un état parfait." En février 1685, elle s'annonçait une fois de plus guérie grâce à de nouveaux traitements - qui sont pour nous des plus farfelus- En 1686 elle s'en alla en cure, à Bourbon-l'Archambault cette fois car son amie Mme de Chaulnes l'attendait.
Dans sa lettre du 24 avril 1689, elle parlait du "baume tranquille" qui "est divin pour les maux de gorge".
Pendant les huit années suivantes, à part quelques petits malaises qu'elle soignait avec "des bouillons de veau", elle affirmait ne plus souffrir "des mille petites incommodités, dont elle souffrait autrefois, qu'il y a quelque chose de sot à se porter aussi bien qu'elle le fait et qu'elle ne songe plus à la médecine,qui lui a fait du bien, puiqu'il ne lui a pas fait de mal." (citation d'Edge Trémois)
Mr de Vendôme, gouverneur en titre, atteignit sa majorité et demanda au roi d'aller exercer son commandement. En 1679, Mr et Mme de Grignan présidèrent une dernière fois les Etats de Lambesc. Puis ils allèrent passer l'hiver à Aix, d'une part pour présenter les filles aînées -Melles d'Alérac- de Mr de Grignan à la bonne société et d'autre part pour terminer son rôle de gouverneur dans de fastueuses fêtes.
Puis ils arrivèrent à Paris à l'hôtel Carnavalet que Mme de Sévigné avait loué afin de loger toute la famille de son gendre: sa fille et son époux, leur fils dont l'éducation devait commencer, et Melles d'Alérac.
Mme de Sévigné espérait que Mr de Grignan obtienne un emploi à la cour. Hélas, l'ami sur qui elle comptait, Mr de Pomponne, se retrouva en disgrâce. Il fut remplacé par un ami du chevalier de Grignan, dont la position, ainsi que celle de son frère l'abbé, changea immédiatement. Mme de Sévigné s'en réjouit, d'une part parce qu'elle appréciait Adhémar, d'autre part parce qu'elle pensait que par les faveurs des cadets, les chances de l'aîné redoublaient. Au contraire de sa fille qui presssentait la disgrâce de son époux.
"On connait le passé des Grignan; on sait tout l'éclat nobiliaire des Adhémar et des Castillane, sur lesquels ils étaient entés: or il y avait là des souvenirs féodaux, des prétentions qui sonnaient mal auprès de Louis XIV, cette expression aussi complète que jalouse de l'autorité royale, victorieuse enfin de la féodalité, et régnant seule [...] A l'égard des familles de race antique, le Roi se maintenait donc dans une prévention aussi instinctive qu'injuste. Il ne voulait plus de cette ancienne fierté qu'il avait vue expirer avec les derniers mouvements de la Fronde."
Mme de Sévigné n'avait pas non plus les faveurs du roi. Elle fut toujours plus du côté des bannis que des courtisans. Sa famille avait participé à la Fronde, ce que le roi ne pardonnait pas, et il semblait ne pas aimer les femmes d'un esprit supérieur: "[...] ce prince devait redouter, pour son intérieur, l'esprit observateur de madame de Sévigné et peut-être sa plume révélatrice."
De ses favorites, seule Mme de Maintenon fut d'une grande intelligence.
"Madame de Maintenon aurait pu attirer Madame de Sévigné à la cour; c'était une de ses anciennes amies, et, lorsqu'elle n'était encore que Madame Scarron, elle avait, en s'en tenant fort honorée, pratiqué et goûté son esprit. Mais c'est précisément pour cela, il nous semble, qu'elle montra peu d'empressement à faire briller auprès d'elle un esprit qui aurait pu éclipser ou faire pâlir le sien. [...] C'est dans les lettres de Mme de Sévigné que l'on voit bien la marche de l'élévation de Mme de Maintenon [...] C'est ce que Mme de Sévigné sait peindre si joliment en enigmes, dans ses lettres à Mme de Grignan, où elle l'entretient quelquefois de ces mouvements de cour; [...]"
Charles de Sévigné "revenu de toute ambition et définitivement dégoûté de la carrière militaire" se maria le 8 février 1684 avec Jeanne Marguerite de Bréhant de Mauron, dont le père était conseiller au Parlement de Bretagne. C'était un mariage convenable car Mr de Sévigné par "sa mauvaise administration était loin d'avoir augmenté sa fortune. [...] Le marquis forma le projet de passer sa vie dans la retraite, où les idées de religion finirent par s'emparer entièrement de lui. Dès l'année qui suivit son mariage, sa mère écrit, en effet à sa soeur: "Votre frère est tout-à-fait tourné du côté de la dévotion; il est savant, il lit sans cesse des livres saints; il en est touché, il en est persuadé. Il viendra un jour où l'on sera bienheureux de s'être nourri dans ces sortes de pensées chrétiennes: la mort est offense quand on est dénué de tout ce qui peut consoler en cet état."
"Ce mariage fut en partie cause d'un voyage de Mme de Sévigné en Bretagne. Malgré l'ordre et l'économie dont elle ne s'est jamais départie, ses affaires aussi étaient arrivées à une espèce de dérangement." Pour des raisons d'économie, écoutant les conseils de son oncle, elle se retira aux Rochers. Mme de Grignan voulait présenter son fils, âgé de treize ans, à la cour. Elle profita du Carnaval 1685 - La reine-mère était morte, ainsi que Colbert, le temps des fêtes et des plaisirs était passé avec les beaux jours de Mme de Montespan- La gentillesse du jeune marquis retint l'attention de roi, au grand plaisir de sa mère. Ce fut une parenthèse heureuse dans la vie de Mme de Grignan, le vérirable chef de famille, constamment tourmentée par leurs soucis de fortune. Dans l'hôtel Carnavalet, se rejoignaient les amis de Mme de Sévigné, revenue à Paris, de Mme de Grignan, de Mr de Grignan et de ses frères.
Mais au mois d'août 1687, mourut l'oncle bien-aimé. De plus, il fallut quitter l'abbaye de Livry où Mme de Sévigné avait connu tant d'heures heureuses avec sa fille. Mme de Sévigné avait déjà perdu deux de ses proches: le cardinal de Retz et Mr de Larochefoucault en 1680. "Où madame de La Fayette, dit-elle, retrouvera-t-elle un tel ami, une telle société, une pareille douceur, un agrément, une confiance, une considération pour elle et son fils? Elle est infirme, elle est toujours dans sa chambre, elle ne court pas les rues; Mr de Larochefoucault était sédentaire aussi, cet état les rendoit nécessaires l'un à l'autre, et rien ne pouvoit être comparé à la confiance et aux charmes de leur amitié. Il est impossible de faire une perte plus considérable et dont le temps puisse moins consoler." (lettre du 17 mars 1680)
En 1688, Mr de Grignan décida que son fils devait rejoindre le régiment de Champagne et suivre le Dauphin dans une nouvelle guerre contre l'Allemagne. Mme de Grignan regagna son château après huit ans d'absence. Elle retrouva sa fille Pauline qui avait été confiée à sa tante, supérieure du couvent d'Aubenas. Mme de Sévigné l'engagea "à jouir de cette jolie petite société où elle trouvera en même temps un amusement, une occupation, à la faire lire, travailler, à lui parler avec amitié et confiance." (lettre du 28 octobre 1688) Quelle mère et grand mère aimante! Mme de Grignan aurait peut-être préféré la laisser au couvent...
Quant au marquis de Grignan, il se distingua par sa bravoure. "Ce fut un tout autre homme à son retour, et les quelques billets qu'il écrit alors, en nous montrant un petit cavalier tout rempli d'une hardiesse de bon ton, nous indiquent aussi que le talent d'écrire joliment ne dégénérait pas dans cette famille privilégiée." Resté à Paris, sa grand-mère lui inculqua le goût de la lecture et son oncle Adhémar l'art militaire et les règles de conduite. Sa famille le maria avec la fille d'un riche fermier-général. En 1700, il fut nommé ambassadeur en Lorraine. "Dans cette brillante fortune, Mme de Grignan voyait enfin l'accomplissement de ses désirs: elle pouvait se flatter d'avoir relevé la maison de son mari et de ses enfants, lorsqu'en 1704 elle fut frappée par une autre douleur au moins égale à celle de la mort de sa mère. Ce fut la perte de ce fils adoré qui mourut à Thionville de la petite vérole." Elle ne put supporter la privation de son fils et mourut l'année suivante âgée de ciquante sept ans.
Sa fille épousa Mr de Simiane le 29 novembre 1695. "Le marquis de Simiane [était] un gentilhomme provençal et attaché à la maison du duc d'Orléans, ce qui était pour elle un grand nom et un grand établissement."
Le 19 février 1689, Mme de Sévigné fut invitée par Mme de Maintenon à une représentation d' "Esther" de Racine. On a dit qu'elle n'aimait pas Racine, mais à ses débuts on le comparait à Corneille et le disait meilleur, ce que Mme de Sévigné ne pouvait entendre, elle si admirative de Corneille. "Le roi vint vers nos places; et après avoir tourné, il s'adressa à moi, et me dit: "Madame je suis assuré que vous avez été contente." Moi, sans m'étonner, je répondis: "Sire, je suis charmée, ce que je sens est au-dessus des paroles." Le roi me dit: "Racine a bien de l'esprit." Je lui dis: "Sûr, il en a beaucoup." [...] Et puis Sa Majesté s'en alla, et me laissa l'objet de l'envie [...]."
"La joie perce dans son récit: elle est contente du roi; elle est surtout contente d'elle, car, non seulement le roi lui a parlé, mais elle lui a répondu sans s'étonner, à l'instant et fort bien, car elle était en fortune."
Le 14 avril 1689, accompagnée de Mme de Chaulnes, elle s'en alla en Bretagne, rejoindre son fils et sa belle-fille. Qui écrivit à sa belle-soeur: "Je laisse aller Madame de Sévigné dans ses bois, avec elle-même et ses livres [...]" (lettre du 29 juin 1689)
"Les Anglais ayant fait une démonstration sur les côtes, la noblesse de Bretagne se réunit en corps de volontaires, et choisit pour commandant Mr de Sévigné qui fut obligé d'aller à Rennes pour les exercer. [...] Mais l'amiral de Tourville ayant chassé les Anglais des côtes, cette noblesse fut dissoute, et, comme l'avait prévu Mme de Sévigné, toute la guerre tomba sur son fils. Ils cherchèrent un dédommagement dans la députation de la province à laquelle, par sa conduite récente, Mr de Sévigné pouvait fort bien prétendre."
Mr et Mme de Chaulnes entraînèrent leur amie à Rennes en juillet, puis ils s'embarquèrent pour un voyage sur les côtes: Vannes, Auray, Port Louis, Lorient. A Hennebon le gouverneur reçut un message du roi: il devait partir à Rome pour représenter la France auprès du conclave qui allait se réunir après la mort du pape Innocent XI. Sur le champ, Mr de Chaulnes s'en alla à Paris. Mme de Sévigné pensa qu'il pourrait auprès du roi faire obtenir la députation de la province à son fils. Mais il n'en fut rien.
Sur la route de Rome, il fit une escale à Grignan, accompagné du cousin Mr de Coulanges. Il confia à Mme de Grignan qu' "il avait ordre du Roi, dans le cas où le cardinal Ottobon, ami de la France, serait nommé pape, de lui restituer Avignon et le Comtat, que le monarque avait saisi, et dont l'administration rapportait à Mr de Grignan plus de vingt mille livres de rente. Ce qui eut lieu le mois d'octobre suivant. Madame de Grignan annonce ce fâcheux résultat à sa mère en ces termes: "Ottobon pape; le Comtat rendu; le Roi et M. de Coulanges triomphants, et madame de Grignan ruinée!" (lettre du 3 novembre 1689)
Les amies de Mme de Sévigné comprenaient qu'elle s'attardait en Bretagne pour des raisons financières. Mme de La Fayette fut leur porte-parole: "[...] il est question, ma belle, qu'il ne faut point que vous passiez l'hiver en Bretagne, à quelque prix que ce soit. Vous êtes vieille, les Rochers sont pleins de bois; les catarrhes et les fluxions vous accableront; vous vous ennuierez, votre esprit deviendra triste et baissera. [...] Ne me parlez point d'argent, ni de dettes; je vous ferme la bouche sur tout. Mr de Sévigné vous donnera son équipage; vous venez à Malicorne; vous y trouverez les chevaux et la calèche de Mr de Chaulnes: vous voilà à Paris, vous allez descendre à l'hôtel de Chaulnes; votre maison n'est pas prête, vous n'avez point de chevaux, c'est en attendant; à votre loisir vous vous remettrez chez vous. [...] Comptez que vous trouverez ici mille écus dont vous payez ce qui vous presse. [...] Ne demandez point d'où ils viennent, ni de qui c'est; on ne vous le dira pas. [...] Point de raisonnements là-dessus, point de paroles ni de lettres perdues; il faut venir: tout ce que vous m'écrirez je ne le lirai seulement pas; en un mot, ma belle, il faut ou venir ou renoncer à mon amitié, à celle de madame de Chaulnes et à celle de madame de Lavardin. [...]"
Mais elle: "lorsqu'on a le malheur d'avoir des dettes, ceux qui vous pressent sont pressants, mais ceux qui ne vous pressent point le sont encore davantage." (lettre du 23 octobre 1689)
"Elle donne sa parole à ses amies de n'être point malade, de ne point vieillir, de ne point radoter [...]." Mme de Grignan, elle aussi, s'alarmait de la savoir aux Rochers durant l'hiver. Mais elle voulait y rester jusqu'à l'automne suivant. Après seize mois, elle eut le désir de revoir sa fille. Elle demanda l'avis des docteurs ou encore le respectable corps des veuves, c'està dire, de ses trois amies, qui, justement avaient le projet de l'envoyer en Provence. "C'est tout ce qu'il y a de meilleur à faire, le soleil est plus beau, vous aurez compagnie, un gros château, bien des gens; enfin, c'est vivre que d'être là." (lettre de Mme de La Fayette, 20 septembre 1690)
Elle partit donc le 3 octobre 1690, sa fille l'attendait au bord du Rhône le 24. En juin 1691, Mr de Sévigné vint passer quelques jours avec des amis bretons. Puis Mr de Chaulnes, Mr de Coulanges et le cardinal de Bouillon arrivèrent de Rome. En décembre la famille reprit la route pour Paris. Leur séjour fut employé à compléter l'éducation de Pauline."Elle réussit fort à Paris, s'y forma des liaisons, et depuis cette époque elle entre en correspondance avec Coulanges, destiné ainsi à correspondre avec trois générations de femmes charmantes et spirituelles."
Mais en 1693, Mme de Sévigné perdit sa meilleure amie Mme de La Fayette, puis Mme de Lavardin, son cousin Bussy Rabutin et Ménage son ancien maître.
En mai 1694, Mr et Mme de Grignan avaient regagné leur château, Mme de Sévigné, accompagnée de son petit-fils, alla les rejoindre. Elle avait le projet de s'y installer définitivement. Elle écrivait toujours, mais tant d'amis étaient partis. Il lui restait Mr de Coulanges "prodige de jeunesse éternelle et d'intarissable gaieté."
En janvier 1696 Mme de Grignan tomba malade. "On comprendra [les] douleurs [de Mme de Sévigné] dans un péril réel, ses attentions, ses peines, ses soins jaloux et ses veilles obstinées. Il y a bien là de quoi s'alarmer pour sa propre santé. [...] Comme un pressentiment, Mr de Coulanges, le 19 de mars, ne lui mande de Paris que des nouvelles de mort; elle répond le mercredi 29, des condoléances funèbres, et c'est sa dernière lettre!"
" Accablée d'âme et de corps, elle tombe malade elle-même d'une petite vérole terrible. [...] C'est une scène déchirante de désolation à se représenter, dans ce château de Grignan, que ces deux femmes malades, chacune de leur côté, et mourant sans se voir, de telle sorte, qu'après avoir passé toute leur vie à se chercher et à se rapprocher, aujourd'hui sous le même toit, elles se quittent pour toujours sans pouvoir se dire un dernier adieu."
"Le 29 avril de l'année mil six cent quatre vingt seize, a été ensevelie dans le tombeau de la maison Grignan, Dame Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, décédée le jour précédent, munie de tous les sacrements, âgée environ de soixante dix ans."
Commentaires