"La vie à deux ", "Hymnes à la haine" Dorothy PARKER (1895-1967)
Préfaces de Benoîte Groult
Dorothy Parker s'est fait connaître en 1926 avec un recueil de poèmes qui fut un succès immédiat. Elle assura alors la critique dramatique pour Vanity Fair et Esquire et la critique littéraire du New Yorker. Auteure de nouvelles et de poèmes, elle devint rapidement célèbre et fut considérée comme une des plus talentueuses de son époque.
"Celle qui avait incarné si parfaitement l'esprit brillant des années trente, l'émancipation sexuelle, le droit à toutes les libertés pour les femmes, celle d'aimer et d'être infidèle, la fureur de vivre aussi et le désespoir élégant qui caractérisaient cette époque, passa de mode avec la grande dépression américaine et survécut trente ans à ce désastre, oubliée de tous." écrit Benoîte Groult dans sa préface.
"La vie à deux"- suite de nouvelles- pour Dorothy Parker caustique et pessimiste, c'est la solitude des couples, l'impossibilité d'un rapport vrai entre les femmes et les hommes empêtrés dans le carcan des rôles stéréotypés. "Dorothy Parker [...] excella toute sa vie à décrire le malheur des femmes, leur frivolité, leur faiblesse devant l'amour, leur dépendance émotionnelle, leur capacité à gâcher une belle histoire [...] l'insondable bêtise des femmes qui n'a d'égal que l'égoïsme et la lâcheté des hommes." Des épouses frustrées, des maris indifférents, des jeunes filles puériles ou déjà désenchantées, des jeunes gens frivoles et hypocrites, Dorothy Parker ne pourrait-elle pas les décrire cent ans plus tard?
"Hymnes à la haine", ensemble de dix-huit poèmes.
Avec cet humour amer et cette insolence qui la caractérise, Dorothy Parker égrène tout ce qui l'énerve: les femmes, les hommes, les épouses et les maris, la famille, le cinéma, le théâtre, la littérature, les résidences d'été...
"Je hais les Livres:
Ils me fatiguent les yeux...
Il y a le Récit des Jours heureux à Tahiti,
Le Vade-Mecum des Iles...
Après quatre semaines dans les mers du Sud,
L'anglais de l'auteur commence à rouiller
Et il se met au tahitien.
Il donne à entendre que son plus grand tourment
A été d'échapper aux avances des vahinés,
Mais le reste du livre
Est probablement fondé sur des faits authentiques.
On y trouve une foule d'informations utiles
Sur la façon de servir le poi,
La source de la légende de l'arbre à pain,
La façon de boire le kawa ou se dispenser d'en boire...
L'auteur explique que cette vie-là est la seule vie possible
Et va jusqu'à promettre
Qu'un de ces jours il enverra promener ses manuscrits
Pour finir ses jours avec Petite-Cochonne-de-Mer-Rieuse, la beauté du village...
Pourquoi attendre?
[...]
Et puis il y a le Roman Réaliste,
Un étouffe-chrétien de cinq cents pages...
C'est un secret de Polichinelle:
Le livre est le prix des expériences intimes de l'auteur.
Ne les aurait-il pas vécues,
Jamais il n'aurait pu écrire -
Ce qui n'aurait peut-être pas été plus mal.
Il offre un tableau du train-train de la vie de famille...
La petite Rosemary veut poignarder Grand-Père,
Papa souhaite que Maman soi bientôt raide dans sa tombe
Et Bobby veut épouser son grand frère...
L'idée que l'auteur a de l'action consiste à inviter
L'un ou l'autre des comparses à mettre les pieds dans le plat.
La grande scène du livre... c'est l'instant-clé
Où l'héroïne prend la décision de remettre au goût du jour sa vieille robe de taffetas...
Tous les personnages filent un mauvais coton,
Sont bourrés de problèmes, n'en peuvent plus de frustration,
L'auteur ne cesse d'expliquer qu'ils étouffent...
Et moi je prie Dieu: qu'on leur donne un peu d'air!..."
"Je hais le Théâtre:
Il mord sur mon temps de sommeil!
[...]
Et puis la Pièce sur le Grand Nord...
Celle qui Vous Donne à Penser -
A penser que vous auriez mieux fait d'aller au cinéma...
Elle est traduite du norvégien
Mais on pourrait aussi bien la donner dans l'original.
L'éclairage est si sombre
Qu'on peut à peine distinguer le visage des acteurs,
Ce qui vaut peut-être mieux...
L'héroïne est invariablement Incomprise -
Sans doute à cause de son accent.
C'est une Bonne Petite Jeune Fille
Qui tombe amoureuse d'un obscur comparse,
Ou qui s'aperçoit qu'elle a épousé par erreur son oncle,
Ou qui sort dans la nuit en claquant la porte,
Tandis que peu à peu le drame se noue et va culminer
Dans un gentil petit suicide, un cas de folie prometteur...
Explique-leur, Ibsen, que tu as acquis les droits scandinaves...
[...]
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