La droite hongroise tente de récupérer la mise
Budapest . Les propos du premier ministre socialiste justifiant l’austérité, a contrario de ses promesses électorales, alimentent de nouveaux heurts.
Budapest,
correspondance particulière.
Une forte odeur de gaz lacrymogène flottait dans l’aire de Budapest dans la nuit de mardi à mercredi. Faute d’être efficace, la police hongroise semble avoir redoublé de brutalité, suivant les injonctions du premier ministre socialiste, Ferenc Gyurcsany. Durant une bonne partie de la nuit, forces de l’ordre et groupes mobiles de manifestants se sont ainsi affronté, de façon souvent très violente. Parmi les manifestants, surtout des jeunes, un certain nombre de toute évidence d’obédience d’extrême droite.
Jet de projectiles contre charges de la police montée. La police a eu encore les pires difficultés à contenir les manifestants malgré l’utilisation de canons à eau, de gaz lacrymogène, de chiens policiers. Selon la municipalité le bilan de la nuit a été de 24 policiers et 57 manifestants blessés et d’une centaine d’interpellations.
Loin de cette agitation environ 10 000 personnes ont manifesté devant le Parlement. Des rassemblements ont également eu lieu en province, à Bekescsaba, Gyor, Miskolc, Szeged et Pecs. Les manifestants ont appelé le premier ministre socialiste à démissionner. La crise est survenue dimanche lorsqu’un document audio a été anonymement distribué aux médias hongrois. Dans cet enregistrement les citoyens ont pu entendre leur premier ministre reconnaître cyniquement, au cours d’un congrès du Parti socialiste hongrois, qu’il avait menti à la nation en toute connaissance de cause, lui cachant son projet de plan d’austérité afin d’être reconduit dans ses fonctions de chef du gouvernement lors des élections législatives d’avril 2006.
Ces évènements ont lieu à seulement deux semaines des élections municipales du 1er octobre. Viktor Orban, leader du parti conservateur Fidesz, compte bien tirer tout le bénéfice politique possible de cette crise. Orban a d’ores et déjà déclaré que les élections du 1er octobre ne seraient pas seulement des élections municipales mais auraient également valeur de référendum sur le sort politique de Gyurcsany qui en cas de défaite « devra emmener avec lui son plan d’austérité ». À la vue des derniers sondages, Orban ne prend pas un risque énorme et met à peu de frais son adversaire politique dans l’embarras, sapant encore davantage sa légitimité politique.
Depuis l’annonce du plan d’austérité des socialistes en juin, et bien avant que n’éclate la crise actuelle, les conservateurs du Fidesz reprochaient à Gyurcsany d’avoir menti sur ses intentions lors de la campagne électorale et lui demandaient tout simplement de démissionner. Mais le Fidesz reproche aussi aux socialistes leur orientation antisociale.
Depuis 2002 les socialistes hongrois conduisent, il est vrai, une politique économique très libérale aux dépens des couches les moins favorisées de la population. De plus les dirigeants socialistes hongrois aiment à montrer leurs villas de luxe et se présenter, au nom d’une pseudo-modernité, comme les membres d’une nouvelle jet-set au fait de la globalisation.
Face à cette situation qui indigne de nombreux Hongrois, la droite se présente comme défenseur des gens modestes. En paroles uniquement car le Fidesz a mené, alors qu’il était au pouvoir de 1998 à 2002, une politique tout aussi libérale que celle de la gauche. Il s’appuie en fait sur le mécontentement populaire pour tenter de le canaliser en sa faveur. Tout en faisant preuve d’un antisyndicalisme à toute épreuve et en abordant jamais le thème de la justice sociale ou de la juste répartition des richesses. Le Fidesz prône une société paternaliste, patriotique et cléricale qui protégerait les intérêts des « petites gens ». À condition naturellement que ceux-ci... restent à leur place.
Guillaume Carré
Budapest, 21 septembre 2006
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